L’ART DU STORYTELLING
L’art du storytelling est une compétence que tout orateur, chef d’entreprise, dirigeant et autre communicant se doit de connaître et apprendre à maîtriser. Si vous avez des messages importants ou des idées à faire passer, des produits, des services à proposer, des […]
L’art du storytelling est une compétence que tout orateur, chef d’entreprise, dirigeant et autre communicant se doit de connaître et apprendre à maîtriser. Si vous avez des messages importants ou des idées à faire passer, des produits, des services à proposer, des équipes ou des gens à mobiliser, vous ne pouvez faire l’impasse du pouvoir persuasif que procure l’art du storytelling. Voyons ensemble en quoi cela consiste et comment en retirer le meilleur.
L’art du storytelling : l’intérêt de raconter des histoires
Dans l’article “5 clés pour faire un discours inspirant”, j’aborde déjà brièvement le sujet de l’art du storytelling. J’explique alors que raconter une histoire pour aborder un concept, une idée, un propos permet d’en faciliter la compréhension. Le storytelling favorise également l’adhésion et l’engagement du public grâce au lien émotionnel privilégié qu’il permet de créer.
Utiliser l’art du storytelling pour persuader
Selon Carmine Gallo, conseiller en communication, auteur du best seller “Secrets de présentation de Steve Jobs”, le storytelling est l’outil de persuasion ultime.
Le storytelling peut être utilisé pour persuader les gens en utilisant des histoires convaincantes qui mettent en valeur les avantages ou les conséquences de l’adoption d’une certaine position ou de certaines actions.
Bryan Stevenson est un avocat des droits civiques aux États Unis. Il a plaidé et gagné une célèbre affaire devant la cour suprême ; un livre et un film ont d’ailleurs été tirés de son histoire : “Just Mercy: a story of justice and redemption” en français : “La voie de la justice”. En 2012, il a tenu une conférence TED qui a reçu la plus longue standing ovation qu’ait jamais connue TED. La vidéo de sa conférence comptabilise à ce jour plus de 8 millions de vues. Il se trouve que 65% de son intervention était consacrée à la narration de récits. Au cours d’une interview, il explique que raconter des histoires lors de ses plaidoiries est pour lui un outil puissant qui lui a permis de défendre avec succès de nombreux dossiers devant les juges de la Cour Suprême.
Raconter des histoires pour inspirer et motiver
L’art du storytelling est également un outil très puissant pour inspirer et motiver les gens à agir. Raconter des histoires inspirantes et motivantes qui suscitent des émotions positives encourage les gens à la réflexion, la remise en question et le passage à l’action. Les discours voués à susciter l’inspiration sont d’ailleurs la plupart du temps nourris par des récits dans lesquels l’auditeur va pouvoir s’identifier.
Capter l’attention grâce à l’art du storytelling
Les histoires sont beaucoup plus captivantes que des données ou une argumentation. Ainsi, démarrer un discours avec une histoire permet de capter immédiatement l’attention de votre auditoire. Si vous observez bien, vous pourrez constater que de nombreux discours parmi les plus captivants commencent par la narration d’une histoire. Écouter une histoire nous mène à nous connecter à notre âme d’enfant. Ainsi, lorsque l’on nous raconte une histoire, notre imaginaire s’en trouve stimulé, ce qui active notre source de plaisir. C’est grâce au plaisir qu’elle procure que les histoires attirent automatiquement l’attention. J’ai moi-même constaté que lorsque je travaille avec un groupe dont l’attention commence à vaciller quelque peu, il suffit que je prononce juste les mots “je vais vous raconter une histoire” pour que les corps se redressent et que l’œil s’allume de nouveau.
L’art du storytelling pour faciliter la mémorisation et la compréhension
Les histoires sont plus faciles à mémoriser que les faits ou les chiffres. En racontant une histoire, on permet aux auditeurs de se souvenir plus facilement de notre message. Ils se souviendront davantage des idées que l’on souhaite partager si on les fait passer à travers des histoires. Si tant est que notre récit leur suscite de fortes émotions tout en sachant les captiver et les embarquer.
Le storytelling permet également de clarifier des concepts complexes en les présentant dans un contexte concret et facile à comprendre. La narration d’une histoire, un témoignage ou une parabole aident à rendre plus accessibles certains propos qui peuvent s’avérer difficiles d’accès.
« Les histoires sont simplement des données avec une âme »
Brené Brown chercheuse en sciences humaines et sociales à l’université de Houston
Utiliser l’art du storytelling pour créer une identité de marque
Le storytelling est souvent utilisé dans le marketing pour créer une identité de marque forte. Les histoires permettent de communiquer les valeurs, la mission et l’histoire d’une entreprise de manière engageante. Que ce soit pour une marque, une entreprise, un produit ou un service, la qualité et les bénéfices de ce que vous proposez ont beaucoup moins d’impact sur les consommateurs que l’univers dans lequel vous leur proposez d’entrer. Et c’est à travers l’histoire que vous leur racontez que vous leur permettez d’intégrer votre univers. Un univers où bien sûr ils pourront se retrouver, où ils auront accès aux réponses et solutions dont ils ont besoin. Ce n’est plus par la raison que le public va faire un choix, mais l’empreinte émotionnelle laissée par l’histoire racontée va guider la prise de décision.
Maîtriser l’art du storytelling
Pour créer un bon storytelling, il vous faudra passer par différentes étapes.
Définir son message
Avant d’élaborer votre histoire, il est essentiel de déterminer clairement et de façon précise le message que vous souhaitez transmettre. Posez-vous alors la question, qu’est-ce que vous souhaitez que le public retienne, comprenne ou mette en œuvre à l’issue de votre prise de parole.
Prenons le TED de Bryan Stevenson que j’ai évoqué plus haut. Il raconte une histoire où sa grand-mère a eu un jour une sérieuse discussion avec lui alors qu’il était âgé de 9 ans. Elle lui explique que l’ayant observé, elle a remarqué combien il est spécial. Elle lui demande alors de lui faire 3 promesses : de toujours aimer sa mère, de toujours faire ce qui est juste même si c’est difficile et de ne jamais boire une goutte d’alcool. Bien qu’il ait appris plus tard vers ses 14 ans que sa grand-mère disait à tous ses petits-enfants qu’ils étaient spéciaux, il explique comment cela a forgé son identité. En effet, il relate qu’à 52 ans il n’a jamais bu une goutte d’alcool. Son message est de faire prendre conscience de la puissance de l’identité et de l’importance de forger la bonne identité.
Identifier son public
Il importe de savoir qui est votre public afin de construire une histoire qui sera à même de les toucher et de résonner pour eux. Les questions à se poser sont quelle est la tranche d’âge des auditeurs, leur sexe, leurs intérêts, leurs motivations, leurs expériences… Dans son discours aux étudiants de Stanford (cf. plus bas*), Steve Jobs relate des histoires qui sont parfaitement adaptées à son public de jeunes diplômés qui s’apprêtent à affronter le monde du travail.
Construire son récit
Choisir un personnage principal, le protagoniste, qui sera facilement identifiable et auquel le public pourra se connecter émotionnellement. Attribuez-lui différentes dimensions : des traits de personnalité, des rêves et des désirs…
Dans l’histoire, le protagoniste devra avoir un objectif, un but à atteindre. Il rencontre alors des difficultés, des obstacles pour atteindre son son but ce qui crée une crise. La situation monte en tension avant de connaître son dénouement. Pour rendre l’histoire plus captivante, on va introduire du suspens, des ruptures ou encore des retournements de situation tout au long du récit. Il importe d’introduire des moments clés pour maintenir l’attention du public. Pensez également à soigner la chute de l’histoire, c’est là que se joue tout l’effet de votre storytelling.
La narration
Avoir une bonne histoire ne sert pas à grand chose si elle est mal amenée. Votre mission est d’emmener vos auditeurs en voyage. Vous devez donc introduire de l’émotion, de l’énergie, de l’engagement lorsque vous racontez votre histoire. Votre public doit pouvoir s’imaginer à vos côtés en train de vivre avec vous les évènements que vous relatez.
Les erreurs à éviter
- Être trop long : évitez de vous engager dans une histoire trop longue avec trop de détails et de faits sans importance pour ne pas lasser et perdre vos auditeurs.
- Manquer de descriptifs : pour autant ne négligez pas les descriptions et pensez à imager vos propos afin que vos interlocuteurs puissent se représenter votre récit et entrer dedans. Attention cependant à ne pas en abuser.
- Manquer de clarté : votre histoire doit être simple et facile à comprendre. Soyez attentif au déroulement linéaire de votre récit et pensez à traquer les incohérences.
- Le manque d’authenticité : soyez sincère et honnête dans le choix de votre récit quant à sa véracité. Exprimez également des émotions vraies. Le public sent lorsque l’on se joue de lui et il n’aime pas ça.
- Ne pas faire de lien entre votre histoire et le message que vous souhaitez délivrer. L’histoire n’est pas l’objectif, elle est là pour amener une idée, un message.
Quel type d’histoire pour faire du storytelling
Les communicants et orateurs qui savent inspirer, motiver, impacter utilisent 3 types d’histoires pour agrémenter leur communication.
- Les récits personnels
- Les anecdotes à propos d’autres personnes, produits, services, marques, entreprises ou autres entités
- Les paraboles
Les récit personnels
Les prises de parole les plus inspirantes sont souvent alimentées par un récit personnel, une histoire propre à l’orateur. L’expérience de ce dernier et les leçons qu’il tire de son vécu viennent directement inspirer ses auditeurs.
*Le 12 juin 2005, Steve Jobs prononçait un discours très inspirant lors de la remise des diplômes à l’université de Stanford. Son intervention est ponctuée par trois récits qui marquent des étapes importantes de sa vie.
Une histoire pour inspirer à suivre son cœur
Dans son premier récit, il évoque la notion de “relier les points entre eux”. Lors de la narration de cette histoire, il explique qu’il n’a jamais été diplômé, ayant abandonné l’université au bout de 6 mois n’en percevant pas l’intérêt. Cela lui a permis de suivre en auditeur libre uniquement les enseignements qui l’intéressaient, dont la calligraphie qu’il trouvait fascinante. 10 ans plus tard, alors qu’il concevait le premier Mac, il s’est inspiré de son apprentissage de la calligraphie pour concevoir le design des typographies. Il ajoute avec humour que s’il n’avait pas abandonné l’université, les ordinateurs actuels n’auraient pas cette merveilleuse typographie, Windows ayant copié sur lui. Son propos est de croire en sa destiné, son Karma ou autre pour avoir le courage de suivre son cœur et l’assurance qu’à un moment donné les liens entre les différents évènements feront sens.
Un récit qui motive à trouver ce que l’on aime : “Love and Lost”
Dans son 2ème récit, il raconte son renvoi à 30 ans de sa propre entreprise. D’abord dévasté, il décide ensuite de tout recommencer. C’est alors qu’il crée Pixar qui est aujourd’hui le plus grand studio d’animation au monde. Il crée également NeXT, qui sera racheté par Apple et qui est actuellement au cœur de sa technologie. Il conclut en disant que parfois la vie peut être brutale, mais qu’il ne faut pas perdre la foi. Ce qui permet de tenir c’est de faire quelque chose que l’on aime. “You got to find what you love!” en français : “Tu dois trouver ce que tu aimes !”
Une prise de conscience sur le temps qui passe
Son dernier récit concerne son cancer qu’on lui a d’abord annoncé incurable mais qu’une opération a pu guérir. Son propos est de conclure avec cette histoire sur le fait que le temps est limité et qu’il ne faut pas le perdre à vivre la vie de quelqu’un d’autre. Il invite à ne pas se laisser polluer par les opinions des autres et d’avoir le courage de suivre son cœur et son intuition car eux savent qui on veut réellement devenir.
Il conclut sur une dernière anecdote qui invite ses jeunes auditeurs à “rester insatiables et à rester fous”.
Un discours fort inspirant et motivant pour de jeunes esprits qui s’apprêtent à affronter l’entrée dans la vie active. Tout le pouvoir impactant de ce discours demeure pleinement dans le choix des histoires racontées pour inspirer dans la façon de faire des choix dans sa vie.
Les paraboles
La parabole est une figure de rhétorique consistant en une courte histoire qui utilise les événements quotidiens pour illustrer un enseignement, une morale ou une doctrine. Ainsi, en storytelling, la parabole serait utilisée pour simplifier la compréhension d’un concept, ou un propos qui pourrait s’avérer complexe.
Lors de sa conférence TED en 2013, Lawrence Lessig, professeur de droit à l’université de Harvard, démarre son intervention avec une parabole. Il décrit le mode de fonctionnement d’un pays imaginaire : Lesterland. Lessig explique alors de façon très simple comment les élections s’opèrent de façon injuste et inégale dans ce monde imaginaire. Il finit son histoire en affirmant que Lesterland représente en fait les États-Unis. Il met alors en évidence les parallèles entre ces 2 nations. Son but étant d’expliquer de façon claire et accessible comment la politique américaine est totalement contrôlée par l’argent.